Tu le connais ce sentiment ? T’es là, tranquille, tu te balades, il fait bon, il fait beau, les oiseaux chantent… En plus t’as choisi de mettre ta nouvelle petite jupe, celle que tu as miraculeusement dénichée au beau milieu des soldes et qui te donne la sensation d’être toi, de te donner la confiance que tu peines pourtant à avoir.
T’es là, t’es bien. Tu marches dans la rue sans te soucier des autres, heureuse d’être simplement là, sans gêner personne, juste à ta place. Tu pourrais presque te mettre à chanter tellement tu te sens bien. Mais bon, si c’est pour faire tomber la flotte avec ta voix qui déraille à la moindre envolée de notes, autant s’abstenir. Même si l’envie ne manque pas.
T’es là, et tu ne fais même pas attention aux regards qui s’arrêtent parfois sur toi, et souvent sur ce carré de tissu que tu es si fière d’avoir acheté. La rue t’appartient, comme elle appartient à chacun·e d’entre nous.
Et pourtant au fil de tes pas, tu sens que quelque chose t’oppresse. Tu ne le réalises pas encore tellement c’est absurde. Des yeux se tournent, te balaient de haut en bas, scannent ton corps, jaugent la longueur de tes jambes, te déshabillent, vérifient ta baisabilité. Tu peux presque palper les pensées qui se muent, invisibles et silencieuses, derrière leurs regards. Comme autant de mains qui cherchent à se glisser sous ta jupe.
Tes joues rougissent. Tu n’es plus tellement sûre, finalement. Tu cherches au fond de toi l’énergie pour continuer à avancer, ne pas faire attention. Tu t’imagines en train de leur répondre par un doigt d’honneur, mais quelque chose te retient. Avancer. Vite. Rentrer chez toi.
Enlever cette jupe qui désormais te fait sentir sale.
Mais ne t’en fais pas : demain, je porterai fièrement cette jupe, sans avoir peur, sans avoir honte. Demain, je brandirai cette jupe comme un acte de résistance et je te montrerai que la honte ne doit pas être de mon côté.
Demain, je porterai cette jupe à n’importe quelle heure de la journée et je ne serai pas dérangée, ni par les regards insistants, ni par les sifflets et les “Salope !” crachés par des inconnus au détour d’une rue.
Mais au fait... Demain, c’est quand ?
Angéline L.
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