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  • Photo du rédacteurLe Réseau de Simone

L’habit ne fait pas le viol

« En même temps t’as vu ce que tu portes ».

Et bim, prends toi ça dans la face. Toi qui du haut de tes douze ans pensais naïvement qu’un pyja-short convenait à la douce nuit que tu allais passer dans ton lit en compagnie de morphée. Faut dire que tu te croyais en sécurité, dans ta chambre d’enfant. Mais t’aurais dû le savoir. Après tout c’est ce qu’on te reproche, d’avoir excité un vieux de 50 balais par ta tenue provocante. Ma fille, la prochaine fois penses-y.

« Non mais tu vas pas sortir comme ça, t’es habillée comme une… ».

Ben vas-y dis le. A 14 ans on rêve toutes de se faire traiter de pute. Ma fille, quelle idée de mettre une jupe-short alors qu’avec tes copines vous aviez prévu une soirée pyjama. C’est vrai que t’aurais dû mettre un pantalon bien large et une doudoune. Faudrait pas que t’attrapes un rhume. De toute façon pourquoi tu cherches, il sait mieux que toi c’est ton père. Écoute-le et viens pas te plaindre s’il t’arrive malheur.

« Mais on t’a dit de pas parler aux inconnus ».

Ah mais oui bien sûr ! L’infantilisation à son paroxysme. Ma fille, tu devrais écouter les conseils de tes potes. Seulement maintenant t’as 18 piges, t’as décidé porter une jupe et des collants opaques et de sortir comme ça, assume en la responsabilité. Pourquoi t’as pas pensé que ça te vaudrait d’être harcelée et suivie ? T’as vraiment rien dans la tête. Entre nous, t’as cherché non ?



Stop. J’en ai marre. De votre culpabilisation incessante, de vos reproches alors que j’essaye juste de vivre ma vie, de votre capacité à me faire payer le fait que je sois née fille, de votre irritable façon de retourner la situation, de votre manie de minimiser les viols et agressions sexuelles.  J’en ai marre de cette culture du viol qui consiste à faire payer la victime pour l’agression qu’elle a subi, et par la réciproque à dédouaner le violeur.

Le problème c’est que peu en sont conscients, d’avoir intégré la culture du viol. C’est pas pour rien d’ailleurs qu’on parle de culture. Parce que c’est un phénomène commun, répété et pratiqué, et inconscient. Et tout le monde est concerné. Franchement qui ne s’est jamais dit en boîte, voyant une fille danser avec une mini jupe et moulante « elle, c’est sûr elle cherche ». Mais elle cherche quoi ? A se faire violer ? Et vous, vous cherchez à vous faire violer ? Ah bah non, parce que vous, jamais vous n’auriez porté ce qu’elle porte. Ah mais fallait le dire plus tôt en fait que le pantalon c’était une barrière anti-viol ! Comment ça pas tous ? Donc si tu portes un slim tu cherches, mais par contre un bootcut non ça passe crème. C’est fou ça, pourquoi on l’apprend pas avant même de savoir marcher ? Ah bah peut-être parce que c’est totalement infondé.

Il y a encore trois ans, 27% des personnes interrogées lors d’une enquête déclaraient que le violeur était moins responsable si la victime portait une tenue sexy. Parce que je suis une femme et que je veux m’habiller comme j’en ai envie, je risque à tout moment d’être violée ? Combien de fois a-t-on entendu que ce n’était pas la faute du violeur, elle portait un string ! Si ça c’est pas une invitation franchement… Mais par contre les mecs qui portent leurs jeans de façon à laisser dépasser leur boxer, eux aussi ils le cherchent non ?

Mais c’est bon j’ai compris. C’est parce que je suis une fille. Comme le dit si bien cette vidéo de All India Bakchod, « le viol, c’est de votre faute les filles ». Que tu portes un jean, un jogging, une combi ou une jupe, de toute façon t’es une femme, et t’échapperas pas aux regards lubriques. Mais si t’as de la chance, peut-être que tu seras pas violée. Enfin…

La culture du viol a la peau dure, d’autant plus que les stéréotypes véhiculés sont bien ancrés dans la tête de tout le monde. Admettre que le violeur n’est pas le pervers attendant au fond de la ruelle sombre c’est difficile, et pourtant 74% des violences sexuelles sont commises par une personne connue de la victime (conjoint ou ex-conjoint, ami, collègue, membre de la famille, connaissance). C’est la réalité, et cette réalité est occultée par une croyance persistante mais dénuée de toute vérité. Sur la question bien trop souvent présente de la tenue vestimentaire, l’exposition « Que portais-tu ce jour-là » tend à démontrer qu’aucun vêtement n’incite ni ne protège du viol.

Le mot viol est encore trop tabou, et pourtant c’est en parlant qu’on sensibilise. Arrêtons de donner des conseils pour ne pas se faire agresser, et expliquons plutôt que le consentement est la base de toute relation sexuelle. Si demain tu fais l’amour avec ta copine en levrette et que tu décides seul, sans concertation et sans préparation de passer en sodomie, c’est un viol. Ne t’en déplaises, mais tu l’as violée. Et tu t’en es même pas rendu compte. C’est là le problème. Et c’est là qu’il faut agir.

Maintenant, c’est à vous d’agir.



Ecrit par Ophélie Mure


Source :

https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/campagne2016/2016-Resultats-Enquete-Ipsos-Les-Francais-et-les-representations-sur-le-viol.pdf

https://stop-violences-femmes.gouv.fr/les-chiffres-de-reference-sur-les.html ; Rapport d’enquête « Cadre de vie et sécurité 2018 » ; INSEE, ONDRP, SSMSI

Pour aller plus loin :

https://stop-violences-femmes.gouv.fr/les-chiffres-de-reference-sur-les.html ; Rapport d’enquête « Cadre de vie et sécurité 2018 » ; INSEE, ONDRP, SSMSI

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